La bastide fût fondée en 1265 par Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis et fût longtemps préservée des exactions et attaques en raison de ses fortifications. En outre, située sur un plateau à plus de 155 mètres, elle dominait – et domine toujours – la vallée du Lot, offrant ainsi un point de vue imprenable sur d’éventuelles attaques ennemies.
Les forêts et carrières voisines fournirent les matériaux de construction des différentes fortifications. Deux carrières sont d’ailleurs encore visibles aujourd’hui au lieu-dit « Moulin de Safin ».
Côté plateau, au nord et à l’ouest, le village était protégé par des douves profondes – dont une partie subsiste aujourd’hui – et par des remparts.
Il existait trois portes équipées de pont-levis et défendues par une barbacane. La porte Est donnait sur la route de Monclar, en face du temple actuel, la porte Ouest sur la route de Clairac et la porte Nord sur les douves, à l’emplacement actuel du mur des fusillés.
Le village possédait un hôpital et deux églises : une dans le village et une en dehors des fortifications au lieu-dit « Touraille ». Au centre du village, à l’emplacement actuel du jardin public, un château fort doté de deux donjons dominait la vallée.
Les quatre grandes rues sont tracées à angles droits dans un souci d’efficacité très en avance sur l’urbanisme de l’époque. Les architectes avait en effet tenu compte du climat. Le plan général de la bastide est orienté de manière à empêcher les forts vents d’ouest de s’engouffrer dans les rues et de les balayer sur toute leur longueur. Les maisons en pisé et à colombage possédaient des toits de tuiles brunes et plates dites « tuiles de Guyenne » disposées en épi. Ces habitations sont typiques de la région. Il existe encore quelques maisons à colombage dans le village.
Les coteaux de Laparade produisaient des figues séchées et des vins réputés qui s’exportaient jusqu’à Bordeaux . La grande place, où se trouvait la halle (elle est toujours située à cet endroit), était le centre des affaires. On y voyait, entre autres, des tisserands, des cordonniers, des chapeliers et des négociants en vins. Bien que longtemps épargnée, la bastide fut bientôt rattrapée par l’histoire en raison même de ses atouts militaires qui avaient jusque-là si bien joué leur rôle de protection.
1324. A quelques kilomètres de Laparade, soldats anglais et français s’affrontent dans la ville de Saint Sardos. C’est le début de la guerre de Cent Ans. Comme toutes les villes de l’Agenais, Laparade prête serment de fidélité au roi d’Angleterre en 1360, après la défaite de Jean Le Bon à Poitiers. Le village redevient français en 1370 lorsque le Duc D’Anjou et Du Guesclin entreprennent de reconquérir la Guyenne. Les remparts de Laparade sont pris d’assaut tour à tour par les troupes anglaises et françaises pendant plusieurs décennies.
Après quatre décennies de paix relative, la querelle entre Armagnacs et Bourguignons offre aux troupes anglaises une occasion de reprendre les hostilités. En 1434, Laparade est pris d’assaut par le Comte Larivadin, au service des Anglais. Cinq ans plus tard, le village est repris par les mercenaires de Rodrigue de Villandro pour le roi de France, Charles VII. C’est durant cette période troublée que Laparade prend son nom actuel, mais la raison du changement de nom reste à ce jour un mystère.
Après le départ des armées anglaises, Laparade connaît un siècle de paix et de prospérité. Mais au début du XVI° siècle, les doctrines de la Réforme se répandent dans la région. On dit même que Calvin aurait prêché à Laparade (1) . 1560 voit les premiers massacres de huguenots en Agenais. Puis vinrent une longue suite d’épisodes dont l’horreur n’a jamais été dépassée.
En 1573, des protestants se réfugient dans le château de Laparade. Les assiégeants font vraisemblablement partie des troupes du seigneur de Grateloup qui commande une armée de dix mille hommes. Le château est incendié. Cent quarante à cent soixante protestants réfugiés à l’intérieur périssent dans les flammes.
Henri IV s’installe l’année suivante à Agen et s’emploie à apaiser les esprits. Il vient, dit-on, chasser à Laparade en 1583.
(1) Au XVII° siècle, il était même d’usage d’appeler la chaire du temple, « chaire de Calvin ». SOURCE : Extrait du Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, Septembre-Octobre 1910, publié parallèlement dans un fascicule intitulé « Laparade, Notes sur une Bastide huguenote », page 9. Editeur : Agence Générale de la Société, 54 rue des Saints-Pères, Paris.
Au début du XVII° siècle, Laparade souffre des impôts extraordinaires levés pour faits de guerre. Entre 1631 et 1653, plusieurs épidémies de peste déciment la population. En 1651, la Fronde aggrave la situation. Comme toutes les villes protestantes, Laparade se déclare pour le jeune roi et la reine régente. La participation à l’édification de nouvelles fortifications et les coûts d’hébergement des garnisons ruinent le village. A partir de 1670, la reprise des persécutions à l’encontre les protestants provoque un grand courant d’émigration. La population de Laparade diminue d’un tiers. C’est à cette époque que la famille Latané s’expatrie en Hollande. L’un de ses membres y deviendra un médecin célèbre.
A la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, le temple protestant de Laparade est détruit. Deux ans plus tard, le pasteur Martinesque, originaire de Laparade, est pendu à Agen. L’exode se poursuit. Le faubourg de Touraille où travaillaient tisserands et chapeliers est maintenant désert. Le coteau de St Jean avait été pendant des siècles un des plus riches vignobles de la région. Il n’est plus que pierres et broussailles.
Au début du XVIII° siècle, Laparade se relève lentement de cette période noire. Vers 1720 on produit du vin, des figues sèches, des prunes et du blé. Les foires à bestiaux du village sont renommées. Mais beaucoup de gens vivent encore dans la misère. Les consuls de Laparade (2) ne se consentent qu’à contre cœur aux dépenses imposées par l’état pour les grands travaux de la région. En 1759, Laparade doit fournir 35 hommes, des charrettes et des bœufs pour contribuer aux travaux de construction de la route Bordeaux-Toulouse.
La halle est reconstruite en 1762 et l’église l’année suivante. On utilise les pierres de l’ancienne église de Touraille et des ruines du château incendié deux siècles plus tôt.
En 1776 éclate une terrible épizootie. Les foires à bestiaux de Laparade sont interdites pendant un an. La presque totalité du bétail périt, le prix de la viande augmente terriblement. La misère refait son apparition. La nuit, on vole le maïs dans les champs pour faire du pain. En 1783, le Lot sort de son lit et inonde toute la vallée. C’est l’inondation la plus importante depuis plusieurs siècles.
Mais en 1789, le dynamisme économique de Laparade a déjà repris le dessus. Trois grandes foires annuelles sont organisées dans le village. On plante des vignes sur les terres ne pouvant recevoir de cultures céréalières. La commune produit du blé, du tabac, du seigle, du maïs, du chanvre, du lin et des figues sèches.
Les 12, 13 et 14 juillet 1944, Laparade vécut un drame qui marqua profondément l’histoire du village.
À l’occasion du 19 ème anniversaire de cette tragédie, l’abbé Dieulafait [1], curé de Laparade à l’époque des faits, reconstitua le déroulement de l’événement après avoir consulté les principaux témoins encore vivants : Messieurs Caujole, Bourgeois, Bouy et quelques autres habitants du village dont l’ancien Maire, Raymond Galline, alors âgé de 14 ans. Le texte qui suit est son récit.
[1] Monsieur le Curé Dieulafait a été Président d’Honneur Cantonal de l’association nationale des anciens combattants et résistants et citoyen d’honneur de Laparade jusqu’à son décès en juin 2005.
4 heures du matin. Les épis de blé, lourds de promesses de féconde récolte, attendent la lame meurtrière du moissonneur. Neuf jeunes hommes, sous la conduite d’un chef plus âgé, eux aussi rempli d’espérance et d’avenir, vont peut-être tomber sous les rafales criminelles des miliciens. Ce petit groupe F.T.P., au bois de Bures, vient chercher des armes pour lutter contre l’envahisseur.
5 heures. Une voiture arrive. Des hommes en descendent et demandent au chef, Marcel Lacassagne, de faire avancer ses hommes. Un moment de surprise, mais il est trop tard : ce ne sont pas des amis, mais des miliciens. Le groupe a été trahi, vendu. Les armes crépitent ; les hommes fuient. Sur les neuf, 6 sont pris de suite : les deux frères Marcis, Pepin, Rozier, Caujolle et Lacassagne, horriblement blessé. Les trois autres réussissent à se sauver : Bourgeois, Bouy, Dauriac, quoique atteints par les balles. Le tout a duré une heure environ. Il est 6 h 30.
Les prisonniers sont emmenés auprès d’une cabane où sont enfouies quelques armes. Profitant d’un instant d’inattention de ses gardiens, ROZIER parvient à s’enfuir, bien que légèrement atteint. Pris de fureur, les miliciens, aidés par les S.S.allemands de la division « Das Reich » incendient la cabane et conduisent Lacassagne au bord de la route de Tourailles : là, les « mauvais français » comme dira plus tard l’officier S.S., achèvent lâchement le chef de groupe.
8 H 45. Un autre drame – Madame Dubourdieu, dont le mari est prisonnier à Féron (Tonneins) va chercher du pain pour ses enfants : elle est reconnue par les bourreaux et frappée presque à mort, après avoir servi de « cible » pendant 400 mètres. Le pain et la maman ne reviendront jamais à la maison !
10 H. la fusillade est terminée.
Les soldats patrouillent dans la campagne et le village. Les prisonniers sont conduits à Aiguillon où bivouaquent les S.S. Ils passent en cour martiale et sont condamnés à mort ! 5 h. de cauchemar, de panique, de terreur, un habitant de Laparade, ancien combattant de 14-18, exhorte au calme, à la prudence, et invite la population à ne pas sortir. C’est alors que des secours s’organisent pour secourir les blessés. Avec courage et générosité, cinq hommes fouillent les champs de blé, les bois, les taillis et trouvent Dauriac affreusement blessé aux jambes et au ventre : un semblant de civière, et il est transporté, à dos d’homme, après quelques soins, chez un propriétaire qui, avec un cheval, le transporte à l’hôpital de Clairac. Ce triste cortège arrive à Laparade vers 16 H, et c’est le drame. Les S.S. sont revenus, avec les survivants du matin : devant la porte de l’Eglise, tous les hommes du village sont rassemblés. Instant d’intense émotion : « Reconnaissez-vous, parmi ces hommes, des partisans du maquis ? » Ces jeunes qui vont mourir, suivent des yeux, un à un, les habitants qui semblent les implorer – Silence impressionnant « Non ». Un autre mot, et Laparade pleurait 40 victimes de plus. Un S.S. donna à boire à Dauriac qui continua son calvaire jusqu’à Clairac où il mourut le lendemain. Un ordre bref : tous les hommes chez eux. Dix minutes plus tard, le drame est consommé : les frères Marcis et Pepin tombent sous les balles, au bord des fossés. Caujolle, par un véritable miracle, échappe à la mort et réussit à s’enfuir.
17 H. Le calme – Les S.S. sont partis, avec leurs voitures, camions, auto-mitrailleuses, et aussi la conscience tranquille : ils ont achevé l’œuvre commencée par des tueurs à gage ! La nuit sera calme : les yeux ne se fermeront pas.
Après maintes discussions, l’autorisation est accordée de porter les morts au cimetière, de 2h en 2h, avec un seul membre de la famille, pour chaque victime les maisons seront closes. Quiconque sera trouvé dans la rue, sera impitoyablement fusillé avec les 4 hommes courageux qui porteront les cercueils. Des patrouilles circulent : la population est terrifiée.
Les sépultures commencent à 8 h. Les victimes, à part Lacassagne, ont été portées, dans la nuit, à la Mairie où un piquet d’honneur est resté longtemps, devant un drapeau tricolore : geste insensé, mais magnifique ! Comme de malfaiteurs, les morts et leurs porteurs, sont accompagnés, les armes braquées sur eux, jusqu’au cimetière. Quel silence ! Quelle tristesse ! Quelle dure journée ! Mais aussi, quel calme et quelle dignité de la part de tous ! Il est 18 heures .Tout est fini.
Laparade se souviendra !
Maire en cours de mandat
Issu de la plus ancienne famille de Laparade